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Guillaume &
Mikajoh

La gabelle et les faux sauniers

empreinte

Le sel fut longtemps le seul moyen de conserver les aliments. Avec le sel, on fabriquait des salaisons et l'on séchait poissons et viandes douces. Il était également un composant nutritif indispensable pour le bétail.
Enfin, il fut sous l'Ancien Régime utilisé comme monnaie d'échange et il possédait même une fonction de salaire, dont on retrouve le sens étymologique dans salarium en latin qui signifiait ration de sel puis, par extension, la pratique du traitement, du salaire à l'époque romaine.
Dès le XIIe ou le XIIIe siècle par la royauté, le sel fait l'objet d'un monopole royal concernant la vente et la perception d'une taxe sur cette denrée, s'appelant la gabelle.
Le sel est entreposé dans des greniers à sel où la population l'achète taxé et en toute petite quantité. C'est donc un élément stratégique pour le gouvernement.
Déjà instituée comme une taxe temporaire par Saint Louis en 1246, puis reprise par Philippe IV le Bel en 1286, la gabelle devient une taxe permanente sous Philippe VI de Valois qui la généralise dans tout le royaume. Au XIVe siècle, les plaintes commencent, elles ne cesseront plus. À la même époque (1342), sont créés les tribunaux chargés de juger toutes les contraventions relatives à la gabelle. En 1343, par ordonnance du roi, le sel devient un monopole d'État. Taxe modeste d'abord, de 2 deniers par minot ; sous Charles V, elle est déjà de 8 sous et l’impôt, malgré de solennelles promesses, devient permanent.

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La carte de la répartition de la gabelle
creative common, auteur : Boldair

 

La perception de la gabelle n'est pas uniforme (voir la carte ci-contre).
L'ordonnance du mois de mai 1680, sur le fait des gabelles, entérina la division du royaume en six ensembles obéissant à des règles différentes : les pays de grande gabelle, les pays de petite gabelle, les pays de salines, les pays rédimés, les pays de quart-bouillon et les pays francs.


Sel de Noirmoutier
creative common, auteur : Pinpin
 

Dans les pays de grande gabelle, on devait acheter obligatoirement une quantité fixe annuelle de sel ; c'est un véritable impôt direct :
Normandie, Champagne, Picardie, Île-de-France, Maine, Anjou, Touraine, Orléanais, Berry, Bourgogne, Bourbonnais.


 

Dans les pays de petite gabelle, la vente du sel était assurée par des greniers à sel ; la onsommation y était généralement libre : Dauphiné, Vivarais, Gévaudan, Rouergue, Provence, Languedoc.
Les pays de salines étaient Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Lyonnais, Dombes, Roussillon.

 

 

Saulnier des Sables d'Olonne
creative common, auteur : Raoul RIVES

 
Dans le pays de quart-bouillon, le sel était récolté en faisant bouillir le sable imprégné de sel de mer. Les sauneries versaient le quart de leur fabrication aux greniers du roi : Cotentin.

Les pays rédimés (ou pays rédimés des gabelles) avaient, acheté une exemption à perpétuité par un versement forfaitaire : Angoumois, Poitou, Limousin, Auvergne, Saintonge, Périgord, Quercy, Bordelais, Guyenne.

grenier à sel à Redon
creative common, auteur : Pymouss

 

Les pays francs étaient les pays exemptés de tout droit de gabelle. Il 'agissait de la Bretagne, du Boulonnais, du Calaisis, de l'Artois, de la Flandre, du Hainaut, du Cambrésis, la principauté de Sedan et de Raucourt, du pays de Gex, du territoire d'Arles, du Nébouzan, du Béarn, de la Soule, de la Basse-Navarre, du Labourd, de l'île de Ré, de l'île d'Oléron, d'une partie de l'Aunis et d'une partie du Poitou.
Le département de la Mayenne, province de grande gabelle, est limitrophe de la Bretagne, province franche. L'énorme disproportion entre le prix du sel dans les deux provinces entraînait une contrebande. Lorsque la Bretagne fut rattachée au royaume de France, ce fut sous la condition que ses privilèges, droits et coutumes seraient inchangés. L'impôt sur le sel ne lui a donc pas été appliqué. C'est ainsi que le prix du sel variait de 2 à 3 livres en Bretagne à 55 à 60 livres les 50 kg en Mayenne.
Cet impôt amène une contrebande effrénée à chaque frontière de pays franc et de pays de grande gabelle. C'est la création, d'un pays où la fraude est reine. D'où une guérilla perpétuelle entre les gabelous, douaniers, et les faux-sauniers, contrebandiers du sel, et ce malgré les rigueurs de la loi.

 

Le faux-saunier était un contrebandier qui allait acheter, par exemple, en Bretagne sur l'autre rive de la Vilaine, du sel qu'il revendait dans le Maine, après l'avoir fait passer en fraude sans payer la gabelle. Il encourait la condamnation aux galères s'il travaillait sans armes, la peine de mort s'il avait des armes. Entre 1730 et 1743, 585 faux sauniers furent déportés en Nouvelle-France pour aider au peuplement de la colonie.
De même, au fil de la Loire, la grande route du sel depuis les marais de l'Atlantique jusqu'au cœur de la France amène une contrebande effrénée sur terre comme sur eau.


Bail des gabelles
creative common, auteur : Ji-Elle
 

Jean Cottereau dit Jean Chouan
creative common, auteur : L. de Labarre

Les chemins de la contrebande pouvaient mener à la misère, la prison, voire les galères. Faux-saunier, à l'imitation d'une population en quête de sa survie, Jean Chouan est le représentant d'un combat contre un régime fiscal inique. À l'époque, le trafic de sel faisait l'objet d'une intense contrebande aux frontières intérieures. On estimait qu'il y avait près de la moitié de la population riveraine des marches de Bretagne qui vivait plus ou moins de ce faux-saunage, soit comme transporteur, soit comme receleur, soit comme revendeur.
 
Elle est également à l'origine de soulèvements populaires. Le plus important d'entre eux est probablement celui de 1542 à 1548, à la suite de la tentative d'unification par François Ier des régimes de la gabelle : le Bordelais, l'Angoumois et la Saintonge se révoltent. Des notables et le gouverneur général de Guyenne sont massacrés. Le connétable Anne de Montmorency rétablit l'ordre dans le sang. Henri II doit fléchir et laisser les provinces revenir à leur statut antérieur. Elles seront ensuite qualifiées de rédimées.

Anne de Montmorency
crezative common, source : Musée du Louvre
 
     
 

Le savais-tu ?

En 1675, la révolte des Bonnets Rouges survenue en Bretagne fut déclenchée par des mesures fiscales sur le papier timbré, le tabac et la vaisselle d'étain. La simple évocation de la gabelle mit le feu aux poudres comme fin juillet au cours du pardon de Saint-Urlo.

Déjà...

mikajoh  
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